Le Salon de Lyon a retrouvé sa splendeur d’antan. Pour le musée de Tsarskoïé Selo, c’est un événement historique : 74 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, toute l’enfilade d’apparat du palais Catherine est désormais rendue aux visiteurs. L’église de la Résurrection du Christ et le Salon de Lyon forment l’alpha et l’oméga de l’exposition.

C’est grâce au soutien financier de la Fondation d’entreprise ENGIE et de Gazprom que le Salon de Lyon a connu sa renaissance. La Fondation ENGIE a financé la fabrication des soieries, réalisées par la manufacture Prelle, qui avait réalisé les soieries d’origine en 1861. Lors de cette inauguration, les invités ont pu assister à un récital de deux jeunes talents de l’Académie de l’Opéra de Paris dont la Fondation est mécène fondateur : Vladimir Kapshuk – Baryton et Yoan Héreau – Pianiste-chef de chant.

Le Salon de Lyon est l’un des intérieurs les plus parfaits de l’architecte Charles Cameron. Il faisait partie des appartements privés de la Grande Catherine au Grand Palais de Tsarskoïé Selo (ou Palais Catherine). Ce chef d’œuvre fut créé entre 1781 et 1783 et doit son nom aux soieries fabriquées à Lyon qui ornaient ses murs et son mobilier. Le salon de Lyon faisait partie de l’enfilade d’apparat du palais, ce qui exigeait une magnificence particulière de sa décoration. Un effet d’une rare élégance fut obtenu grâce à l’alliance de la soie « dorée » et des décorations bleues en lapis-lazuli. Les maîtres artisans utilisèrent presque une tonne et demie de lapis-lazuli, et pour la décoration des portes et du parquet ils employèrent une douzaine d’essences de bois rare et de la nacre.

Depuis l’époque de Catherine II, les tapisseries en soie ont été changées plus d’une fois. Au milieu du XIXe siècle, le Salon de Lyon devient le salon d’apparat de Maria Alexandrovna, épouse du tsar Alexandre II. A sa demande, l’architecte Hippolyte Monighetti apporte des changements cardinaux à la décoration intérieure : désormais, le tissu couvre entièrement les murs. Le salon est en outre complété avec de nouveaux meubles réalisé selon les esquisses de Monighetti, ainsi qu’un lustre en lapis-lazuli du Baïkal et du Badakhchan doté d’éléments en bronze doré et d’un monogramme de l’impératrice Maria Alexandrovna. En 1866, à l’occasion du 25ème anniversaire du mariage d’Alexandre II et de Maria Alexandrovna, les murs furent recouverts d’une nouvelle soie de Lyon. Ce tissu avait la couleur « bouton d’or » et recouvrait les murs jusqu’au bord supérieur de la corniche. Il fut également utilisé pour le revêtement des meubles et les rideaux. La combinaison des éléments raffinés du décor de l’époque de Catherine II, de la soie et des objets du XIXe siècle firent du Salon de Lyon la salle la plus envoûtante de l’époque historiciste.

Le Salon de Lyon reproduit en 1878 sur l’aquarelle de Luigi Premazzi, exista dans cet aspect jusqu’à 1941.

Sa décoration fut détruite pendant la guerre. Puisqu’il restait 25 objets du mobilier fabriqués avec l’utilisation du lapis-lazuli, des échantillons de soie, ainsi que des inventaires du palais et des photos, il fut décidé de restaurer la décoration de l’époque d’Alexandre II. Le premier pas vers la renaissance de la salle fut posé en 2005. Le projet de restauration avait été rédigé en 1983 par l’architecte principal du musée, Alexandre Kedrinsky, (1917-2003), cependant le projet fut mis à jour en 2006-2007.

La fabrication des soieries a été financée par la Fondation d’entreprise ENGIE. Par bonheur, le musée avait conservé les matériaux iconographiques (les inventaires, les photos, les autochromes, l’aquarelle, les échantillons de soie), et à Lyon, les archives de la manufacture Lamy et Girault, qui en 1861 avait exécuté la commande de la Cour impériale russe, étaient restées intactes. L’entreprise qui lui a succédé, la manufacture lyonnaise Prelle, avait conservé les carnets de commandes du XIX siècle. Une décision historiquement justifiée a alors été prise, celle de confier la fabrication des nouvelles soieries du Salon de Lyon aux spécialistes français de la manufacture Prelle. Conformément au projet de restauration des tentures murales, des portières, des tissus pour les portières et de l’étoffe des meubles élaboré par le musée, les artisans du XXIe siècle ont confectionné 320 mètres de tissu « Lampas bouton d’or Louis XVI », d’une largeur de 162 cm. Ainsi, les soieries, résultat d’un travail virtuose des maîtres français, sont redevenues l’élément décoratif principal du Salon.


Salon de Lyon. Quelques chiffres et faits :

  • Pendant le règne de la Grande Catherine, la vie officielle de la Cour se déplaça au salon de Lyon qui se transforma en une sorte de salle d’attente d’apparat. Des invités venus présenter leurs rapports y attendaient d’être reçus. Le soir, on y jouait aux cartes, on donnait des concerts musicaux. Là, se réunissaient des « nobles, hommes et femmes » faisant partie de la suite de l’impératrice, afin de participer à une promenade, un repas ou un spectacle.
  • L’impératrice Maria Alexandrovna aimait sa salle de séjour fastueuse et y réunissait ses enfants et ses proches. Pendant le séjour de la princesse Dagmar de Danemark en 1866, après un déjeuner solennel dans la salle des Arabesques voisine, la famille a pris le café en petit cercle au Salon de Lyon.
  • Au début du XIXe siècle, c’est au Salon de Lyon que l’on habillait les princesses avant les cérémonies de mariage, lorsqu’elles se déroulaient à Tsarskoïé Selo.
  • Pendant la Seconde Guerre mondiale, le divan Georges Jacob, le mobilier en lapis-lazuli et les tableaux furent évacués du Salon de Lyon. Après la guerre, il a été possible de récupérer le paravent à trois battants (qu’on retrouva en Estonie). Dans le parc Alexandre, on retrouva trois fauteuils ayant fait partie de l’ensemble du XIXe siècle. En 2018, ils furent restaurés et tapissés avec de la soie fabriquée à Lyon.
  • Les objets en lapis-lazuli réunis au Salon de Lyon représentent la plus grande collection, parmi les musées russes, d’objets d’art décoratif du XIXe siècle en lapis-lazuli et bronze doré.
  • Le lapis-lazuli est une pierre semi-précieuse de couleur bleue d’une composition minéralogique complexe avec des insertions blanches et dorées. Au milieu du XIXe siècle, le lapis-lazuli d’Afghanistan, qui arrivait en Russie via Boukhara dans l’actuel Ouzbékistan, était le plus prisé.